Histoires pour enfants

Le Portail de Givre : L’Éveil du Cratère

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Dans le cratère d’une météorite où la glace n’a jamais fondu, Giulia, une jeune mage de givre déterminée mais discrète, doit dépasser ses limites pour ouvrir un portail ancien. Accompagnée d’une Ombre vivante imprévisible et d’un Phénix renaissant, elle affronte la traque d’un chasseur de primes sans pitié et des mystères qui pourraient engloutir leur monde à jamais.
Le Portail de Givre : L’Éveil du Cratère

Chapitre 3 : La Porte des Sacrifices

Chapitre 3 : Devant la Porte Indigo

Le souffle court, Giulia se redressa dans l’alcôve glacée où les trois compagnons s’étaient réfugiés. L’écho lointain du Chasseur de primes résonnait dans le tunnel écroulé, martelant les dernières notes d’un affrontement à peine évité. L’Ombre, silhouette allongée le long du mur comme une peinture de ténèbres, secoua la tête, visiblement secouée, tandis que le Phénix reprenait péniblement son souffle, des plumes mi-givrées, mi-incandescentes, crépitant d’un reflet fatigué.

Au bout du boyau, un halo indigo perçait la pénombre. Giulia sentit son cœur se tendre : la porte du portail. Même l’Ombre, d’ordinaire guindée d’humour, demeura silencieuse, scrutant le seuil comme s’il s’agissait de l’entrée d’un royaume interdit.

La porte était là, magnifique et redoutable. Une arche colossale de glace limpide, polie à la perfection, se dressait au centre d’une vaste chambre voûtée. Des filigranes runiques y couraient – spirales, griffades anciennes, cercles entrelacés – et toute la surface exhalait une lumière indigo, profonde et calme comme le ciel nocturne. Au centre, incrusté dans l’arche, un miroir aussi pur que le cristal reflétait les trois compagnons. Mais l’image qu’il renvoyait se trouva rapidement déformée...

Giulia s’approcha, le souffle hésitant. Au même moment, le miroir pulse, projetant un grondement vibratoire dans la pièce. Une brume s’enroule, puis s’ouvre en trois faisceaux, happant chaque compagnon dans un éclat de lumière propre.

La jeune mage chancela et, dans un vertige, se vit elle-même – plus jeune, minuscule et tressautante, vivant en marge du village, toisant ses paumes rougies de givre alors que d’autres enfants l’évitaient. Son reflet lui lança un regard vide, puis, d’une voix à peine un souffle : « Tu penses vraiment mériter d’ouvrir le portail, Giulia ? Tu n’es qu’une apprentie qui a peur d’elle-même… À trop craindre d’être puissante, tu restes faible. »

Sa poitrine se serra, la douleur ancienne, la honte familière. Le miroir projetait tout ce qu’elle tentait d’oublier : la crainte de laisser sa magie la dépasser, le sentiment de ne jamais suffire. Autour d’elle, le froid se fit plus mordant.

À sa droite, le Phénix s’était rigidifié, le museau enfoncé dans ses plumes ternies. Son reflet prenait la forme d’un oiseau de cendres, incapable de voler, dont la flamme ne serait jamais assez vive pour renaître de nouveau. De chaque battement d’aile, quelques plumes tombaient dans l’abîme, s’effaçant comme de la neige sur la pierre chaude.

— Et s’il n’y avait rien après ? Si chaque renaissance ne faisait que m’amener plus près du néant ? se murmura-t-il à lui-même, la gorge serrée.

De l’autre côté, l’Ombre, d’ordinaire sarcastique, s’était pétrifiée devant son reflet : elle voyait un paysage oublié, dépourvu de sa silhouette noire, comme si des âges entiers s’étaient écoulés sans qu’on se rappelle son nom ou son existence. L’oubli, la dissolution. Il y avait dans ses yeux d’argent une panique contenue, un vertige presque humain.

— Quelle ironie, souffla-t-elle, faussement légère, être la reine du secret… et craindre de ne plus jamais être vue ou reconnue.

Un silence oppressant tomba. Chacun demeurait enfermé dans sa peur la plus intime, étouffé par le poids de ses doutes. L’arche demeurait close, impassible, les runes indigo battant au même rythme que leurs cœurs affolés.

Mais le miroir ne ment pas. Il n’est pas conçu pour punir, pensa Giulia en cherchant à dominer le flot de ses émotions. C’est pour éprouver, révéler… C’est cela, le sacrifice : faire face à ce qu’on redoute et, plutôt que de s’y soumettre, avancer malgré tout.

Elle frissonna, puis leva la main. Sa paume tremblait, envahie d’hésitation, mais elle la posa résolument sur le verre froid du portail.

— J’ai peur. Mais je ne veux plus cacher ce que je suis. Si mon don de givre peut ouvrir la voie, alors…

À sa surprise, l’Ombre se redressa à ses côtés. Elle ondulait comme une flamme noire, et son habituel sourire en coin se fit plus sérieux :

— Je suis fatiguée de fuir. Que ce soit pour la première et dernière fois, je vais affronter la lumière. S’il faut traverser cette porte, alors que le monde me voie… même si j’en disparais après.

Le Phénix, rassemblant son courage, s’approcha enfin. Un feu brisé brillait dans ses yeux.

— Je ne peux garantir ma renaissance. Peut-être pourrais-je m’éteindre. Mais si ma dernière étincelle fait franchir la porte à ceux qui en ont besoin, j’accepte. C’est ça, renaître dans les autres.

D’un accord silencieux, ils combinèrent leurs forces. L’Ombre, pour la première fois, se concentra pour densifier sa forme. Sa silhouette devint presque tangible, sculptée dans la lumière indigo — une apparition noble et fière, offerte sans fard au regard du portail. Le Phénix, tremblant de tout son corps, rassembla le reliquat de sa flamme : une couronne éclata autour de sa tête, jetant des gouttes de lumière sur les symboles runiques.

Giulia sentit alors affluer sa magie. Elle la laissa déferler, assaillant le miroir de givre, la poussant au-delà du seuil de la peur. Un sillage bleu pâle s’étira de ses doigts, recouvrant doucement l’arche, fusionnant avec la lueur du Phénix et la silhouette solide de l’Ombre. Le miroir frémit, hésita…

Le portail vibrait si fort qu’il semblait prêt à exploser. Les runes battirent la mesure d’un chant ancien, tandis que la brume intérieure s’éclaircissait subitement. Une fissure apparut au sommet de l’arche : le passage vacilla, indiscipliné, tiraillant tous les fils d’énergie.

Mais soudain, dans un vacarme brutal, une silhouette jaillit de la pénombre du tunnel brisé : le Chasseur de primes, armure ébréchée mais volonté intacte. Son heaume d’acier réverbérait la lumière spectrale, et sa voix, plus rauque que jamais, fendit l’air glacé.

— Pas un pas de plus ! Tous ces sacrifices… Pour rien. Ce portail n’apportera que la ruine sur votre monde, cria-t-il en brandissant une lame marquée de glyphes pâles.

Il fondit sur le trio, déplaçant l’air comme un orage. Instinctivement, l’Ombre s’interposa, sa densité nouvelle arrêtant temporairement la progression de l’assaillant. Dans le tumulte, le Phénix, lueur vacillante, libéra un deuxième souffle incandescent. Giulia sentit la température chuter, la glace elle-même craquant sous la tension de sa magie.

La bataille filtrait le temps dans un maelström perlé d’éclats de feu, d’ombres projetées et de magie hurlante. Mais au cœur de la mêlée, un sentiment nouveau fleurissait chez Giulia : elle n’était plus seule, et les forces qu’elle redoutait tant pouvaient, unies, protéger au lieu de blesser.

Le miroir, fissuré mais résistant, semblait palpiter à l’unisson de ce courage partagé. Giulia, trempée de sueur glacée, fixa le Chasseur. Pour la première fois, elle osa arrêter son regard sur lui, non plus avec crainte, mais avec fermeté.

— Ce portail n’est pas fait pour ouvrir le mal, mais pour honorer celles et ceux qui, malgré leurs peurs, choisissent la lumière. Tu ne peux comprendre cela tant que tu n’auras pas affronté tes propres ténèbres.

Un éclat plus vif jaillit du centre de l’arche. À cet instant précis, l’avenir du portail et des trois compagnons dépendait de leur union, de la vraie bravoure : celle qui survit aux peurs les plus secrètes.

Dans le fracas du cristal qui se brise, la magie du portail hurla : la conclusion de l’épreuve approchait, et leur sacrifice serait le prix de la lumière à venir.



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