Histoires pour enfants

La Lanterne du Volcan

Histoires pour enfants

Sur les pentes abruptes d’un volcan rougeoyant, le jeune chevalier Tiago – courageux mais secret – doit protéger une lanterne ancienne, source de lumière et d’espoir pour tout un village. Monté sur son cheval fougueux et aidé par une forgeronne visionnaire, il affronte un Gardien ancien dont l’ombre déforme les flammes. L’aventure les pousse à braver lave, trahison et choix impossibles, où héroïsme rime avec sacrifice.
La Lanterne du Volcan

Chapitre 2 : Les Souterrains Incandescents

Chapitre 2 : La Descente dans le Cœur de la Montagne

La nuit s’étendait en manteau de cendres sur Valombrune quand Tiago resserra la bride d’Atol et quitta en silence le cercle de lumière que projetait la lanterne du volcan. Derrière lui, Saëra lui tendit un rouleau de parchemin tout plissé de sueur et d’angoisse—sa fameuse carte, malmenée et rapiécée de notations griffonnées à la hâte. Elle fit mine d’être audacieuse, mais sa voix trahissait un tremblement :

— Si tu trouves la salle des Échos, prends à gauche. À droite, c’est… bon, tu comprendras. Fais confiance à Atol, d’accord ?

Tiago hocha la tête sans mot dire, et Saëra, dans un geste improbable mêlant encouragement et protection, fourra dans ses sacoches un gadget scintillant à mi-chemin entre une lanterne et un sifflet. Atol souffla sur la main de la forgeronne avec une affection bourrue—ou peut-être une supplique de lui envoyer de la chance.

Le guerrier et sa monture s’enfoncèrent sous la paroi ocre, franchissant la première arche étroite avalée par l’ombre. À l’intérieur du volcan, tout était vibrations : les murs ruisselaient de gouttes de minéraux incandescents, la chaleur imprimait aux pierres des reflets d’opale, mouvants et trompeurs. Déjà, ils n’étaient plus que deux points de ténèbres, absorbés par les entrailles du monde.

— Ça sent bizarre ici, souffla Tiago, plus pour occuper le silence que parce qu’il attendait vraiment une réponse.

Atol pinça ses naseaux, penchant la tête sur le côté avec une méfiance théâtrale, et fit mine de trébucher, déclenchant le choc sourd d’un sabot sur une pierre fissurée. Tiago eut juste le temps de freiner sa marche, le cœur bondissant. Le rire qu’il lâcha était sec et tendu.

— Je préfère quand tu fais semblant que tu n’as peur de rien, vieil ami.

La première épreuve surgit sans bruit : soudain, le sol plongea, ouvrant sous leurs pieds un gouffre voilé d’une vapeur orange. Un pont de rocailles suspendu par des filaments de basalte se balançait dans le vide. Les planches, rongées par la chaleur, menaçaient de céder au moindre pas hasardeux.

Tiago n’eut pas besoin de parler : Atol hésita, toisa le passage, puis tourna un œil rusé en direction de son maître. L’habitude parlait à leur place : Tiago descendit précautionneusement, Atol sur ses talons. À mi-parcours, une plus large fissure grinça sous leur poids, et la vapeur se resserra, collant contre la peau, brouillant tous les repères.

— Atol… reste calme.

Mais Atol n’attendit pas de conseils. Un léger frémissement de ses flancs, et il bondit en avant, repoussant d’un sabot la pierre la plus friable, qui s’effondra dans l’abîme à peine eurent-ils atteint la berge opposée. Le cœur battant, Tiago s’autorisa une tape d’estime sur l’encolure du cheval.

— Un vrai guide de montagne, hein ?

Atol souffla avec orgueil et se remit en marche, la queue haute comme s’il conduisait toute une armée à la victoire.

Près de là, la carte de Saëra se déployait sous la paume de Tiago : l’encre y avait coulé, les flèches indiquaient des pièges, d’étranges symboles jalonnaient le tracé. « Salle des Échos », « larmiers de soufre », « croisée des braises ». Mais quelque chose n’allait pas. Les murs se rapprochaient, les couloirs viraient sans prévenir, si bien qu’au moindre instant Tiago avait l’impression d’être prisonnier d’un rêve fiévreux.

Des ombres, au détour d’un repli, se mirent à s’agiter à la périphérie de sa vision. Tiago crut d’abord que c’était son imagination. Mais les silhouettes prenaient forme : tantôt la silhouette imposante de son père, tantôt celle de Saëra étreinte par des flammes fictives, tantôt le claquement de sabots d’Atol… mais sans aucun cheval à ses côtés. L’air se faisait lourd, les murmures sifflaient comme si le volcan était habité de fantômes.

Atol s’arrêta d’un coup, secouant la tête avec véhémence. Son regard roulait d’un mur à l’autre, furieux de ne plus reconnaître l’odeur de la route.

— Pas de panique… on suit la ligne bleue, murmura Tiago malgré la panique grimpante.

Mais la ligne bleue s’effaçait sous ses yeux, avalée par la même brume qui engluait ses pensées. Les murs tanguaient, le sol bougeait. Il lui semblait qu’Atol recule loin devant, ou qu’il disparaisse carrément derrière un nuage noir.

— Atol ! cria Tiago.

Sa voix se fracassa sur un écho, démultipliée jusqu’à la déformer :

— Tiiiiaaagooo… Tiiiiaaagooo…

Les visions s’intensifièrent. Il revit le soir où il avait dit à son père qu’il avait peur du noir, la honte et la colère mêlées. Les reproches, la promesse silencieuse qu’il serait brave même si son cœur voulait fuir. Le volcan semblait lui renvoyer chacune de ses peurs, chaque tentation de rebrousser chemin. La silhouette du Gardien ancien surgit dans la brume, immense et impitoyable.

— Tu n’es qu’un enfant effrayé, gronda la voix des ombres. Tu perdras tout si tu restes. Renonce. Oublie. Retourne dans la lumière trompeuse et mens-toi à l’aube.

La panique serra la gorge de Tiago. Il ne vit plus Atol. Sa main trembla, l’épée pesait comme un fardeau. Il fit un pas en arrière, chancela…

Mais alors, là, dans la nuit rougeoyante, quelque chose résonna. Faible d’abord : un cliquetis, ce tintement familier que faisait le fer du harnais d’Atol quand il trépignait d’impatience. Puis un souffle puissant, chaud, une présence massive derrière lui. Tiago ferma les yeux, murmura presque sans y croire :

— On a fait une promesse…

Il se souvint, enfant, le jour où il avait juré à son cheval nouveau-né qu’il le protégerait envers et contre tout, et qu’ensemble ils tiendraient tête à la peur, aux ombres, au vide. Il laissa cette certitude, simple et solide, chasser le vertige.

Il se retourna brusquement : Atol était là, vivant, dressé, yeux brillants d’un courage furieux. Comme mû par une décision profonde, le cheval gratta le sol d’un sabot et rua vers la brume, qui se dissipa en flammèches. Tiago se saisit de la crinière d’Atol et tous deux jaillirent de la gangue d’illusions, brisant le cercle vicieux de la peur.

Ils débouchèrent, essoufflés, dans une large salle cernée de cristaux tordus, où l’air vibrait d’un chant grave, presque un cœur battant sous la roche. Face à eux, dans une alcôve de basalte, une lueur pâle tremblotait—la Flamme pure, prise dans sa prison de verre, vacillante mais bien vivante.

Tiago sentit ses jambes céder sous le poids de la tension, mais il n’éprouva plus de doute. Sans ses compagnons, sans ce lien forgé dans la promesse et le courage partagé, il n’aurait jamais atteint ce sanctuaire. Il posa une main sur l’encolure d’Atol—lui aussi haletant, la robe lustrée de suie et de lumière.

— Merci, vieux frère… On est presque au bout du chemin.

Mais déjà, au fond du sanctuaire, une ombre s’étirait, annonçant que l’épreuve n’était pas terminée. Au cœur du volcan, là où brûlait la lumière originelle, l’obscurité préparait sa riposte.

La traversée du Cœurlave ne faisait que commencer.



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