
Dans les sombres couloirs de la Forteresse de fer, un filet de lumière perçait à peine les meurtrières métallisées. C’est là qu’habitait Ange, une jeune bandit ingénieuse et généreuse, qui vivait de petits larcins pour aider les villageois pauvres. Avec ses bottes souples, sa cape grise et ses gants de cuir, elle savait se faufiler partout. Pourtant, son cœur battait au rythme du courage et de la compassion.
Chaque soir, quand les gardes fermaient les yeux, Ange se glissait dans la grand-salle aux murs de rune pour subtiliser quelques pièces d’or. Puis, silencieusement, elle semait derrière elle des sacs pleins de monnaie dans les chambres des plus démunis. Elle ne voulait pas qu’on l’appelle voleuse, mais bandit juste, défendant la justice à sa manière.
Un soir d’orage, alors qu’elle s’apprêtait à quitter la forteresse les poches remplies, elle surprit des voix lugubres. Dans l’alcôve interdite, éclairée seulement par un éclair, un personnage encapuchonné s’adonnait à un rituel mystérieux devant un piédestal vide. L’inconnu murmura une incantation ancienne : « Que la relique sacrée apparaisse et serve mes desseins ! »
Ange recula d’un pas. Elle connaissait la légende de la relique sacrée, un ancien talisman gardé par le Gardien des reliques. Celui-ci veillait depuis des siècles sur un artefact capable de réveiller le pouvoir des runes. Dans les mauvaises mains, il pouvait semer la destruction dans tout le royaume.
Sans réfléchir, Ange bondit. « Qui es-tu ? » cria-t-elle. L’inconnu sursauta et sortit une dague brillante. Des étincelles d’ombre fleurirent autour de la lame. Avant qu’ils ne se jaugent, un hurlement bestial déchira l’air, et une silhouette noire surgit dans l’encadrement.
Le Loup, serviteur de l’ombre, s’avança, ses yeux rougeoyants. Son pelage ébène semblait absorber toute lumière. Depuis des lunes, on disait qu’il errait près de la forteresse, à la recherche de la relique pour la livrer à un maître inconnu. Ses crocs luisirent dans le clair-obscur.
Ange sentit son sang se glacer. Elle s’élança pourtant, son courage plus fort que la peur. « Tu ne l’auras pas ! » cria-t-elle. L’inconnu profita de la distraction pour disparaître dans un nuage de fumée. Le Loup grogna et bondit vers Ange, menaçant.
À ce moment, un souffle puissant fit trembler les murs : le Gardien des reliques faisait son entrée. Grand et majestueux, il portait une armure ancienne marquée de signes lumineux et tenait dans sa main un sceptre où reposait la relique sacrée : une pierre d’un vert profond, brillante comme un cœur en vie.
Le Gardien pointa le sceptre vers le Loup. Une onde magique traversa la salle, forçant la bête à reculer. Les crocs retroussés, le Loup recula en grondant, puis, au moment où tout semblait basculer, s’élança vers le plafond, disparu dans les ténèbres.
Le Gardien s’approcha d’Ange. Ses yeux étaient remplis de gratitude. « Merci, jeune bandit, d’avoir mis en péril ta vie pour protéger la relique. Mais la vraie menace demeure : celui qui t’a défiée n’est autre que l’Enchanteur des ombres. Il cherche à plonger le royaume dans la nuit éternelle. »
Ange, haletante, hocha la tête. Elle voyait dans le regard du Gardien l’ombre d’une fuite possible, d’une vie loin de la Forteresse de fer. Mais son cœur la poussait à rester. « Je veux aider », murmura-t-elle.
Le Gardien sourit. « Pour cela, il nous faut renforcer la relique. Son pouvoir grandira si tu retrouves trois fragments cachés dans les salles oubliées de la forteresse. Chacun renferme une rune ancienne. Leur réunion est la clé pour vaincre l’Enchanteur. »
Bravant la peur, Ange suivit le Gardien dans un corridor secret, où la pierre d’un vert profond brillait faiblement sur le sol. Premier fragment : la rune de la bravoure. Alors qu’elle l’effleurait du doigt, un picotement chaud lui traversa le corps, insufflant en elle une force nouvelle.
La quête continua dans la salle des miroirs sans fond, où un labyrinthe de reflets la mit à l’épreuve. Elle faillit se perdre dans ses propres illusions, mais la lumière de la relique les guida vers le fragment de la sagesse, niché derrière un miroir brisé. À chaque pas, elle se sentait plus solide.
Enfin, la dernière salle, celle de la forge éteinte, dévoila le fragment de l’altruisme, dissimulé dans le cœur d’un vieil enclume. En le prenant, Ange sentit la magie s’accorder à sa générosité, à sa volonté de protéger ceux qu’elle aimait.
De retour auprès du Gardien, elle fusionna les fragments à la relique. Les runes s’illuminèrent d’une clarté éclatante, jusqu’à former un orbe d’énergie pure. Le Gardien tourna le sceptre vers le ciel, puis dit d’une voix puissante : « L’Enchanteur n’a plus qu’à venir ! »
Dans un tourbillon d’ombres et de flammes pourpres, l’Enchanteur apparut, un sourire cruel aux lèvres. La bataille qui s’ensuivit fut la plus grande que la Forteresse ait connue. Ange se dressa devant lui, brandissant la relique unie, laissant jaillir une vague argentée qui balaya les ténèbres.
L’Enchanteur cria de rage et disparut dans un éclat de fumée noire. Le silence retomba, empli d’échos. Seul le battement des cœurs faisait vibrer la salle.
Le Gardien posa une main tremblante sur l’épaule d’Ange. « Grâce à ton courage, la relique est sauvée et le royaume protégé. »
Ange sourit, emportée par un sentiment de fierté. Elle n’était plus une simple bandit des couloirs, mais une héroïne aux yeux de tous.
Le lendemain, les villageois vinrent la remercier. Le roi, venu avec sa suite, la combla de louanges et lui offrit un statut officiel de Protectrice de la Reliques Sacrée. Elle reçut une maison près de la forteresse, pour veiller à jamais sur l’équilibre du royaume.
Quand le soleil donna à la Forteresse de fer des reflets d’or, Ange contempla l’horizon, son nouveau toit scintillant contre le ciel. Une brise légère souleva sa cape, comme un rappel discret que, parfois, même un simple bandit peut devenir le plus noble des gardiens.